Introduction au débat sur le féminisme (Fanny G)
NPA : CPN des 19 et 20 septembre 2009
Sur les Tshirt qui viennent de sortir est écrit: féministe, écologiste donc anticapitaliste. Ce slogan fait ressortir deux éléments essentiels qui sont l'objet de la formation d'aujourd'hui. Premièrement, nous sommes féministes. Ensuite, si nous sommes vraiment féministe, nous sommes anticapitalistes. Inversement, des anticapitalistes conséquents sont nécessairement féministes. Ce sont ces deux points que je vais aborder.
Pourquoi sommes-nous féministes? Qu'est-ce que cela signifie?
A/ D'abord être féministe n'est pas être une folle-dingue anti-mec. Etre féministe n'est pas non plus vouloir que les femmes prennent le pouvoir. Etre féministe n'est pas un combat d'arrière garde, d'une autre génération. Etre féministe n'est pas un combat déjà gagné comme pourrait le prétendre la droite en reprenant à son compte et en instrumentalisant certains arguments.
B/ Bien sur de nombreuses choses ont changé depuis la génération de nos grands parents et encore heureux mais aujourd'hui, le compte n'y est pas: être féministe c'est revendiquer pour l'égalité réelle. Et lutter pour ça. De façon globale, les femmes gagnent 27% de moins que les hommes: ceci parce qu'elles sont plus précaires, davantage au chômage, et ont plus recours au temps partiel que les hommes. A travail et qualification égale, elles gagnent 10% de moins que les hommes. Au fond, c'est parce que leur salaire est toujours perçu comme un salaire d'appoint, un salaire en plus par rapport au salaire central: celui des hommes censé pourvoir aux besoins de sa famille.
Par ailleurs, elles assurent toujours 80% du noyau dur des tâches domestiques et si les hommes en assurent davantage qu'il y a quelques dizaines d'années, c'est souvent les moins répétitives et les plus visibles: s'occuper du Barbecue; aller faire les courses. En fait, même dans les couples où le partage des tâches n'est pas trop défavorable, c'est à la naissance du 1er enfant que la répartition des tâches, que le décrochage s'opère: les hommes font un peu plus que ce qu'ils faisaient tandis que les femmes ont tout ce qui se rapporte aux enfants à gérer.
Etre féministe, c'est considérer que cette inégalité n'est pas « naturelle »: ce n'est pas parce que les femmes sont moins fortes ou qu'elles ont dans leur gène certains comportements comme l'instinct maternel qu'elles ont à s'occuper du foyer et des tâches domestiques. D'une part, ces comportements sont construits dès l'enfance, comme ceux des hommes d'ailleurs. On apprend aux filles à exprimer ce qu'elles ressentent, à être jolies tandis qu'on construit les petits garçon pour qu'ils soient courageux. On apprend aux filles à être passive et aux garçons à être actifs: c'est ce qu'on appelle la construction des genres. Le genre correspond au comportement qu'on colle au sexe biologique dès la naissance. Il s'agit d'une construction sociale. (On ne naît pas garçon ou fille, homme ou femme, on le devient).
Et dans cette société, ce sont les comportements masculins qui sont valorisés tandis qu'on continue d'embaucher des femmes pour certaines de leurs soit-disant qualités naturelles sans reconnaitre leurs compétences ou qualifications: textile dans les années 70; tâches de médiation aujourd'hui... Ces métiers sont déconsidérés car ce sont des métiers de femmes qui ne font qu'y mettre leurs talents naturels. Et dans cette société, ce sont les femmes qui meurent sous les coups de leurs maris. Ce sont elles aussi qui subissent les blagues ou les remarques sexistes.
Cette situation constitue donc un système: c'est ce qu'on appelle l'oppression des femmes. On peut donc donner une définition générale de ce système: c'est le contrôle par le groupe des hommes (dans des contextes historiques précis, aujourd'hui le capitalisme) du corps des femmes, de leur travail et de leurs pensées. Aujourd'hui grâce au droit à l'avortement et à la contraception dans plusieurs régions du monde, les femmes ont commencé à se réapproprier leur corps ; sur le plan du travail, ce n'est pas le cas. Une minorité de femmes cadres peuvent échapper au travail domestique et accéder ainsi à des "carrières" par ailleurs souvent dévalorisées par rapport à celles des hommes: mais ce n'est qu'en partie et cela se fait souvent grâce au travail de femmes précaires et souvent étrangères: ex des Philippines à Madrid. Enfin, même si les représentations concernant les femmes ont connu une certaine diversification, les normes sexuelles et de genre sont toujours très contraignantes et ce sont encore les hommes, bourgeois, blancs et hétéros qui servent de référent universel.
Pour revenir au Tshirt, pourquoi être vraiment féministe signifie être anticapitaliste? Si l'oppression des femmes existait avant le capitalisme, celui-ci l'a profondément intégrée et remodelé. C'est au moment de l'apparition du capitalisme que la sphère de production qui correspond à l'usine est devenue bien distincte de la sphère de reproduction qui correspond au foyer. S'est alors opérée une division sociale et sexuelle du travail qui consiste en une: séparation des tâches: complémentarité des tâches (soi-disant) hiérarchie entre les tâches: le travail d'un homme vaut plus que celui d'une femme.
La famille en est la pierre angulaire. Le travail domestique assumé gratuitement par les femmes (car il est naturel) permet non seulement aux hommes de reconstituer leur force de travail et d'y retourner le lendemain mais aussi de perpétuer ce système par le biais de l'éducation des enfants. La situation a changé car nombre de ces tâches domestiques ont été réduites et sont passées sur le marché: plats préparés, machine a laver etc. Par ailleurs, les femmes sont entrées massivement sur la marché du travail.
Il n'empêche que les femmes continuent d'assurer gratuitement ce qu'il y a toujours à faire et de s'occuper des enfants le plus souvent en d'épuisantes acrobaties, ce qui constitue ce qu'on appelle la double journée de travail. Le capitalisme a BESOIN de cette oppression des femmes pour assumer gratuitement toutes ces tâches nécessaires au bon fonctionnement du système. C'est pour cette raison par exemple que nous revendiquons un service public de la petite enfance. C'est pour cette raison aussi que nous considérons que « le privé est politique »: ce qu'il se passe dans la famille, que ce soient les tâches domestiques ou la sexualité, est le reflet de l'oppression des femmes et alimente en retour la position subordonnée des femmes dans la société. Cette division sexuelle et sociale du travail s'opère aussi dans le monde professionnel, comme je l'ai évoqué lorsque je parlais du textile. Ceci implique donc que nous luttions pour le partage des tâches à l'intérieur de la famille et pour la mixité dans le monde professionnel dans tous les secteurs et à tous les niveaux et ce, en même temps que pour le développement des services publics.
Enfin, toutes les femmes ne subissent pas l'oppression de la même façon. Les femmes des milieux plus populaires subissent aujourd'hui de façon massive les conséquences du capitalisme: pauvreté, chômage, précarité, temps partiel imposé, rémunérations à la baisse et reconnaissance sociale nulle. A cela s'ajoutent les autres difficultés liés à la contraception, à l'avortement, aux violences, à l'archaïsme des structures familiales, qui pèsent alors d'autant plus lourd. C'est une raison de plus pour articuler notre lutte contre l'exploitation capitaliste à celle contre l'oppression des femmes.
Nous appartenons donc au « courant lutte de classe » du féminisme.
A/ nous pensons que la lutte des femmes n'est pas secondaire par rapport à la lutte de classe contrairement à ce qu'a longtemps défendu le mouvement ouvrier. Que ce soit la CGT qui jusqu'au début du siècle refusait le travail des femmes, ou le PCF qui dans les années 70 expliquait comment un mouvement de femmes divise de mouvement ouvrier.
B/ nous pensons que le capitalisme s'articule avec l'oppression des femmes. Il n'y a pas, comme le pense Christine Delphy, d'un côté le capitalisme qui exploite les salariés dans la société et de l'autre le partriarcat qui exploite les femmes. Les deux sont inextricablement lié. S'il nous arrive d'utiliser le terme « patriarcat », nous l'envisageons comme un synonyme de l'oppression des femmes.
C/ nous recusons enfin les théories que l'on appelle essentialistes/différentialistes qui revendique des différences et une complémentarité naturelle des hommes et des femmes.
D/ Enfin, Elsa y reviendra mais de la même façon que les blancs ont leur place dans le combat anti-raciste, nous pensons que le féminisme concerne les hommes comme les femmes.
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